MARIO : LA CUISINE ET LA MADRAGUE FAÇON CARPACCIO

Interview de Mario ce matin, le 12 janvier 2018
 
Il est 11:30, Je le vois passer et repasser par la fenêtre, sur le chemin qui mène au village. Les mains dans les poches, la tête dans les épaules, d’un pas déterminé, ce matin, il répare une fuite chez Maria. Un toc toc, des signes pour dire « tu viens après ? » « oui après ! » … Quelques instants plus tard, comme souvent, assis devant un ballon de rouge, c’est avant tout un ami que j’interview ce matin :
 
Mario, on peut dire que tu es une figure emblématique du village. À la Madrague, tout le monde te connaît. Quelle histoire particulière te lie à ce lieu ?
Une histoire de tous les jours, rien de particulier ​…​ à part l’ambiance que j’ai trouvé ici, et qui était formidable. C’était un village de pêcheurs et de rapatriés pieds noirs, des espagnoles, des italiens … C’était une salade … mais elle était très sympathique ! Je suis arrivé en 1980, le coin m’a plu et je suis resté tout simplement. J’avais un camion aménagé avec ma femme et mon fils, ma fille est arrivé plus tard… J’ai cherché du travail, je me suis fais embauché comme cuisto dans un restaurant de plage et ma vie, elle a continué ici, plus en Italie, voilà !
Quand j’ai acheté ici c’était une épave, les maisons était construites sur un terrain de la ville et quelques années plus tard, après des batailles et beaucoup d’incertitudes, on a finalement acheté du terrain et ensuite on a amélioré la maison.
 
J’ai eu l’honneur d’être invité à ta table d’où on peut admirer les plus beaux couchers de soleil, j’y ai dégusté un loup en croute de sel, une paëlla de la mer, des pâtes à la vongole et tant d’autres bonnes choses … J’ai le souvenir d’un atelier ravioli mémorable, un matin où la brume était si épaisse qu’on ne voyait plus la mer … quelle atmosphère !…
Tu as évidemment transmis cet héritage à ton fils notamment, qui est devenu pêcheur. Comment expliques-tu ce plaisir pour la transmission ?
C’est pas difficile je crois … C’est la responsabilité de l’aîné de le faire, le père, le grand-père, le frère ainé, n’importe qui… La connaissance il faut la transmettre sinon ça meurt et on va arriver à des grosses patatracks ! … Le partage du savoir, le plus petit qu’il soit, c’est une richesse énorme. Mon fils et la pêche ?…  Je sais pas si ça vient de moi, j’ai jamais imposé quoi que ce soit à mes enfants contre leurs désirs mais il a toujours eu une passion pour la mer mon fils, depuis tout petit. Il a un brevet de capitaine et maintenant, il a une poissonnerie, par contre le goût de la cuisine, il l’a ! Mais quand il l’a mange !
Ma fille, elle, elle aime bien faire la cuisine et me demande toujours des conseils.
 
Tu fumes toi-même ton saumon dans un fumoir que tu t’es fabriqué cet hiver, tu fais aussi ta charcuterie, le « fait maison », ça vient de ton enfance en Italie ?
Dans mon enfance, j’ai toujours mangé des choses fait maison, je suis né dans un village où il y avait des pâturages avec des vaches et des porcs, on avait pour coutume de tuer le cochon et de faire la charcuterie… On buvait du lait chaud, pas pasteurisé, ça avait un goût formidable qui s’est perdu. T’as des tas de choses qui se sont perdues… Dommage … Et avec tout ce qui se passe aujourd’hui, il faut retourner à la terre, l’authenticité d’avant. Je voudrais que les gens comprennent que tout ce qu’on achète au super marché, c’est pourri, ça nous rend malades. Ça coûte quoi de faire les choses soi-même ? Rien !? Un peu de bonne volonté, un peu de vouloir, c’est tout ! C’est pas compliqué …
 
Outre l’authenticité, quels autres essentiel pour une bonne cuisine ?
La simplicité, l’authenticité… le goût prononcé et surtout suivre les vraies recettes de nos ancêtres. Les recettes revisitées, ça n’existe pas ! Tout ça c’est de la guignolerie, moi je vais revisiter des malades à l’hôpital et pas un plat de cuisine ! Un carpaccio de saumon, excuse-moi c’est pas un carpaccio ! C’est un saumon présenté façon carpaccio ! Un carpaccio, c’est du boeuf, coupé très fin, de l’huile d’olive et du citron, c’est tout !
 
Tu aimes aussi le tango, il y a un rapport avec la cuisine ?
C’est quelque chose de réel, de concret, de passionnel ! La cuisine c’est une passion et le tango aussi ! Tenir entre ses bras une femme et danser le tango c’est la passion et la volupté ! Et un bon plat avec du parfum et du goût c’est la volupté, c’est le plaisir à l’état pure !